Pour courir plus vite, faut-il augmenter la cadence, la longueur de la foulée ou les 2 ?

La question de savoir quel paramètre augmenter et en quelle proportion n’est pas simple.  En particuliers, la question de la cadence optimale est un vieux sujet de discussion, tant pour les coureurs que pour les entraineurs.

Au cours des JO de Los Angeles 1984, l’entraineur Jack Daniels observe les coureurs des distances allant du 800m au marathon. Il en établit la cadence idéale doit se situer autour de 180 pas/min, le nombre d’or de la course à pied, la référence absolue. Mais les coureurs occasionnels tendent à adopter une fréquence plus basse, alors que les élites adoptent régulièrement une fréquence autour de 200 pas/min dans le dernier tour de piste. Il est donc clair qu’il y a un lien entre l’augmentation de la fréquence et la vitesse.

Si on considère l’effet de l’augmentation de la cadence sur le pic vertical du centre de gravité durant la phase aérienne de la foulée, on  illustre parfaitement pourquoi une cadence élevé est bénéfique, à la fois du point de vue de l’efficience, mais également de la réduction du risque de blessure.

Mais dans quelle proportion le cycle de la foulée doit être aérien. D’un point de vue empirique, avec l’augmentation de la vitesse, la durée de la prise d’appui est réduite. Dans son étude des facteurs influents sur la vitesse de course, Peter Wayand détermine que dans le cycle de la foulée, la durée de la phase d’appui diminue de 40% en passant de 3m/s à 8m/s. Ce qui est compréhensible, la réduction de la prise d’appui diminuant d’autant l’effet de frein. Pour diminuer l’effet de frein de la prise d’appui, au moins la moitié du cycle de foulée doit être aérien.

Dans la phase aérienne, lors de la deuxième partie du “vol”, le corps « chute ». Il est inévitablement soumis à l’accélération gravitationnelle, ce qui l’attire vers le sol. La distance de la chute, lors d’un grand bond saut est plus grande que la somme de la distance de chute lors de petit saut En effet, pour une durée équivalente, la vitesse moyenne est plus importante avec l’augmentation de la durée de la chute. Le gain total en hauteur et l’énergie à dépenser pour être aérien, augmentent donc avec une phase d’appui plus longue. Il en est de même pour les forces d’impact, plus on tombe de haut, plus on tombe vite, plus l’impact est « violent ».  A l’inverse, une cadence élevée et une phase d’appui courte favorisent une dépense moindre d’énergie pour être aérien, et réduisent les forces d’impact.

Toutefois, la dépense énergétique pour passer à la phase aérienne, doit être mise en regard du coût énergétique pour repositionner la jambe en balancement. Même si la gravité l’aide à revenir, la jambe en mouvement doit repasser devant le torse avant la pause du pied. Or le coût énergétique de l’accélération nécessaire du balancier est proportionnelle à la cadence et à la vitesse. La limitation du coût énergétique définit donc  une cadence limite haut. La cadence la plus efficace est donc celle qui permet de minimiser le coût total pour courir de façon aérienne, en limitant l’effet de frein et en permettant le repositionnement de la jambe opposée.

La cadence naturelle varie énormément suivant les individus. Et comme le montre l’étude de Heiderscheit et ses confrères, un coureur occasionnel sera bien en dessous de la fréquence « idéale » de 180 pas/min. Cette étude  montre que les coureurs occasionnels peuvent réduire les coûts énergétiques de la foulée aérienne et du freinage par l’augmentation de 10% de leur cadence. Ainsi, à une vitesse de 3m/sec, l’augmentation de 10% d’une cadence d’environ 170 réduit approximativement de 20% l’énergie absorbée au niveau des hanches, des genoux et des chevilles. Un coureur occasionnel tirerait donc beaucoup de bénéfice à augmenter sa cadence.

Et Les coureurs  “Elite”?

Pour les coureurs “élites”, on constate également des différences de cadence. par exemple, à mi-parcours d’un 5.000, elles varient de 180 à 200 pas/min. Une telle différence pourrait s’expliquer par une différence d’efficience à ré-utiliser l’énergie de l’impact à l’appui, comme énergie élastique, pour aider à passer en phase aérienne. Un athlète arrivant à utiliser l’énergie de ce rebond élastique, nécessitera moins d’énergie pour passer à la phase aérienne, il pourra donc se permettre une cadence plus faible et une foulée plus longue à vitesse identique. Si un tel athlète peut augmenter sa cadence en conservant sa longueur de foulée dans le dernier tour d’un 5.000m, il disposerait alors d’un finish redoutable.

Illustrons cela avec Mo Farah, lors de son record indoor d’Angleterre sur 3.000m, à Glasgow en 2009. À mi-course, sa cadence était d’environ 175 pas/min, ce qui fait que sur le 6ème tour (en piste de 200m), il a une vitesse moyenne de 6.4m/s, avec une cadence de 175 pas/min, et une longueur de foulée de 2.18m. L’attaque décisive intervient au 13ème tour, avec une augmentation de la vitesse à 6.6m/s, la cadence passant à 185 pas/min alors que la foulée reste quasiment inchangée à 2.17m.

Il est intéressant d’opposer son style long et bondissant à celui de Galen Rupp. Ils courent quasiment côte à côte, dans le peloton, lors du 8ème tour des 5.000m des JO de Londres en 2012.  Mo court avec une cadence d’environ 190 pas/min, Galen est proche de 204 pas/min. Dans l’emballage du dernier tour, Galen est distancé alors que Mo augmente sa cadence à 208 pas/min, tout en maintenant une foulée de 2.18m, ce qui lui permet de finir devant les 6 autres concurrents.

Le secret du finish redoutable de Mo réside donc dans sa capacité à conserver sa longueur de foulée lors de l’augmentation de sa cadence, ce qui lui permet de contenir ses concurrents dans le tour final.

Cette capacité est due à la réutilisation de l’énergie élastique du rebond pour passer à la phase aérienne. Il disposait déjà de cette capacité en 2009, avant de rejoindre l’équipe d’Alberto Salazar. Et cette nouvelle discipline l’a emmené du statut de détenteur du record de Grande Bretagne au statut de Champion du Monde, mais il disposait de solides bases avant cela. On peut se demander dans quelles mesures son héritage génétique et ses dispositions à l’entrainement ont influé sur son style de course.

A la pause du pied, son pied droit part à l’extérieur sans bénéfice, mais plus encore remarquable, il présente une dorsiflexion d’environ 10° par rapport à la cheville juste avant l’appui.

La dosiflexion illustrée sur le site www.eorthopod.com
illustration de la dorsiflexion

Sur le 5.000m de Londres, à 9’05, la vidéo en slow motion de Michael Wilson, montre la différence d’orientation avant l’appui de Mo et de Galen, Mo en appui gauche, Gallen en appui droit.

Cette variation d’angle a pour effet de tendre le talon d’Achille en avance de phase, ce qui permet une réutilisation efficace de l’énergie élastique du rebond.

Cet article est une traduction libre d’un article du site « Canute’s efficient running », avec l’autorisation de son propriétaire.
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Courir plus vite?

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2 thoughts on “Courir plus vite?

  1. Le mouvement de balancier des bras dicte la cadence des jambes et l’amplitude de la foulee. Plus les bras vont chercher loin a l’avant et a l’arriere, plus la foulee est longue. Plus les bras adoptent une cadence elevee, plus les jambes s’emballent. Le demi-fondeur n’a evidemment aucun interet a courir comme un sprinter, en allongeant la foulee et en augmentant l’amplitude de ses bras. Il doit plutot opter pour une cadence des bras d’environ 180 mouvements par minute.

    1. Merci de ton commentaire Jeremy.

      En fait, l’analyse de Canute montre que suivant le niveau, le travail se fait à 2 niveaux…
      – augmentation de la fréquence d’une part
      – augmentation de la longueur de la foulée d’autre part.

      Mais effectivement, suivant le niveau, ce n’est pas forcément possible pour tout le monde, et celà demande aussi certaines capacités physiques ou du travail spécifique, surtout pour l’allonge de la foulée.
      Et pour les 180 mouvements, ce n’est qu’une indication, comme vu, suivant le coureur, ce chiffre est variable…
      Pour un coureur ayant un mouvement de base de 150/160, exemple d’une personne courant de temps en temps, c’est une cible idéale…
      Pour un coureur régulier, c’est à voir… Dans mon cas personnel, je suis autour de 170/180 à vitesse normale (AM/ASM) et sur une vitesse plus rapide, je peux monter peu ou prou au dessus de 190…les élites peuvent dépasser les 200, comme le montre cet article.

      Pour le balancier des bras, je favorise surtout le mouvement vers l’arrière, qui favorise le travail de poussée de la jambe antagoniste et l’extension de la hanche, important dans le cadre d’une foulée médio.

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